J’ai eu la chance récemment de visiter le musée Van Gogh à Amsterdam et de tomber sur le livre «Oser l’émerveillement*». Ces deux environnements entrecroisaient des thématiques ayant des similarités.
Au-delà de toutes les œuvres magistrales qui y étaient présentées au musée, j’ai été happée par une de ses citations gravées sur le mur en sortant des salles d’exposition.
«Trouve donc les choses belles, autant que tu peux. La plupart des gens ne trouvent pas assez de choses belles».
Si j’ai reçu cette injonction comme un cadeau intemporel de Vincent, il est clair qu’il s’adresse à chacun de nous.
Certes, il n’y a rien de magique dans cela et il faut se mettre dans une position d’ouverture et d’accueil. Mais cela contribue sans doute à ré-enchanter la vie ou lui donner plus de densité, plus de souffle.
Apprendre à regarder la feuille, l’arbre et la forêt; la goutte, le ruisseau et l’océan, dans son pot à fleur ou son verre d’eau.
Van Gogh écrivait qu’il préférait peindre des yeux humains plutôt que des cathédrales car il y a dans les yeux quelque chose qu’il n’y a pas dans une cathédrale – toute majestueuse et imposante soit-elle – l’âme d’un être humain.
Nous sommes partie prenante de cette nature qu’il faut à apprendre à regarder: l’enfant, l’amoureux, le vieillard, l’infortuné, la victime et l’agresseur… tous ces autres, tous ces nous.
La quête de beauté qui était celle de Van Gogh lui a sans doute permis de transcender bien des souffrances. Ce fabuleux observateur considérait que la nature lui apportait la paix et il espérait y trouver Dieu.
Regarder la nature – c’est justement la prescription suggérée par Mme Sandra Côté au cours de la causerie croquante de dimanche dernier, pour entendre ce qu’elle a à nous dire et saisir comment on peut se mettre à son service.
Mais même devant la beauté la plus pure, on passe à côté de l’émerveillement si on n’a pas l’œil ouvert, si on perd notre regard d’enfant, si on souffre de cataractes induites par le cynisme, le désenchantement, l’indifférence.
Alexandre Jollien disait croire que le bonheur réside davantage dans l’art de recevoir que dans une conquête frénétique.
Prendre le temps d’accueillir ce qui est là .
Devant moi j’ai un cactus de Noël qui ne se formalise pas du calendrier et qui s’éclate de centaines de bourgeons. Je les entends presqu’éclore et cette promesse de beauté donnée me met en joie. Cette joie devient parfaite quand j’y rencontre le Créateur- Jardinier du Tout.
Regarder ces arbres qui se dépouillent mais s’élancent aussi branches vers le ciel telles une prière ou un alléluia, y joindre mon souffle.
Comme le dit si bien Christiane Rancé: «C’est la beauté que je loue dans le paysage qui m’arrête… c’est mon regard qui nomme la beauté». Elle ajoute «Je ne crois pas au silence de Dieu, je crois en notre surdité».
J’ai le goût de reformuler cette phrase dans l’esprit de notre propos: Je ne crois pas en l’absence de Dieu, je crois en notre cécité.
Aussi, à la manière de Bartimée, crions «Rabbouni, que je retrouve la vue!»
Ann Montreuil, Éditorialiste au Montmartre à Québec
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*Oser l’émerveillement, Frédéric Lenoir et Leili Anvar, Albin Michel, 2016.
Quand espérer un salut c’est croire