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Après le muguet, le lilas…

Éditorial du dimanche 9 juin 2024 par Ann Montreuil, éditorialiste au Montmartre à Québec

La nature pose ses repères et marque le temps : le type de récolte, les saisons se succédant imperturbables et rassurantes.
Quoique… ne tremble-t-on pas un peu lorsqu’on se rend compte que notre couvert de verdure devance le calendrier de notre enfance de quelques semaines, que celui des tempêtes fait de même, que les prévisions de feux, de sécheresse ou d’inondation se font de plus en plus fréquentes pour ne pas dire terrifiantes, nous déstabilisent.
La routine est une source d’un certain équilibre, ceci est bien reconnu. Elle occupe une grande partie des journées des enfants et c’est souhaitable pour développer un sentiment de sécurité et de confiance. D’ailleurs la plupart des besoins de base peuvent faire l’objet de routine. Ceci vaut aussi pour les adultes. Ça vous surprend ? Pourtant plus de 80% de nos actions sont automatiques, nous les exécutons sans réfléchir. La routine aide le cerveau à économiser de l’énergie et à minimiser certains risques. Ceci permet de se concentrer sur d’autres tâches plus importantes et d’un point de vue neurobiologique, cette mesure est non seulement utile mais nécessaire à la survie
Lorsque nous apprenons quelque chose pour la première fois, cette information est transmise au cortex cérébral et avec l’effet de la répétition (entre 20-66 fois selon la littérature), elle est enregistrée comme une procédure fixe dans des zones plus profondes du cerveau et ne peut plus y être aisément supprimée. Comme pour nous récompenser, le cerveau sécrétera ses propres opiacés lorsque nous adhérons à l’habitude créée.*
Par conséquent, remplacer une vieille habitude est donc une des choses les plus difficiles à faire parce qu’elle fait appel à un phénomène inconscient et le cerveau se défend!
Toutefois cela ne signifie pas qu’il n’y a pas lieu de ré-évaluer personnellement certaines de nos routines notamment si elles ont un impact néfaste sur notre environnement et par conséquent sur notre qualité de vie collective.
Les facteurs qui peuvent nous motiver à changer un comportement ne sont pas si nombreux : outre la répétition, il faut faire face à une certaine souffrance ou à la perspective d’une récompense. En fait, il est nécessaire que cette perspective de récompense soit plus importante que les avantages que l’on tire du comportement à modifier. Un autre atout de poids est d’associer le comportement souhaité à une personne avec laquelle nous sommes très liés.
J’ai été saisie par un reportage télévisuel qui parlait de l’impact des feux de camps sur la qualité de l’air… peut-être faudrait-il mettre de côté ces petits brasiers que l’on allume pendant des heures sans trop les regarder si on veut conserver la possibilité de faire griller quelques guimauves avec nos petits enfants ou amis.
Les continents de plastique ne pourront se résorber que si on emprunte un tournant de consommation par des choix privilégiant des emballages plus éco-responsables. Réduire les déchets passe également par un mode de consommation moins impulsif où on questionne nos besoins réels avec une attention portée à la pérennité de l’achat, aux possibilités de recyclage ou d’économie circulaire.
Je m’étonne souvent en passant dans ma maison du nombre de lumières laissées négligemment ouvertes bien que je tempête devant les édifices gouvernementaux ou corporatifs illuminés largement à l’heure où on se demande comment faire face à nos besoins énergétiques.
Le gaspillage à outrance de notre eau potable mérite que nous questionnions notre utilisation quotidienne (temps de douche, chasse-d’eau, lavage des dents, arrosage pelouse…) car cette ressource n’est pas illimitée comme le sous-entend la façon dont nous en jouissons.
Et on peut poursuivre sa réflexion personnelle sur nos choix alimentaires, l’achat local et saisonnier, l’utilisation des modes de mobilité durable et à ces chapitres j’ai beaucoup à réfléchir!
Mais il est possible d’apporter des modifications à nos routines en analysant nos véritables besoins. Ceci signifie prendre le temps de les ramener à la conscience, réfléchir sur nos objectifs véritables et s’engager envers soi-même, une habitude à la fois
Au Japon, on parle de la démarche « kaisen » (kai : changement, zen : meilleur) qui permet de réaliser d’ambitieux projets en franchissant de petites étapes successives. Ce modèle a été repris par des entreprises de toutes sortes mais il est valable aussi dans la sphère privée.
Chaque geste individuel peut venir renforcer un effort collectif et le rendre significatif et on est tous invités à prendre les devants avant d’en subir les contraintes.
Peut-on parler ici de sacrifices ? Sans doute mais ces sacrifices sont bien petits à l’ombre de l’évangile de la semaine dernière qui portait sur l’offrande ultime du Christ qui offre son corps comme pain de vie pour la multitude. Nous sommes bien sûrs invités à faire don de soi par notre disponibilité, écoute, main tendue vers l’autre mais cet autre peut être aussi la Nature qui nous entoure et sollicite notre bienveillance et attention.
Après les lilas, ce seront les pivoines et les roses.
Je souhaite qu’elles embaument vos journées de belle saison.

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*Professeur Gerhard Roth (doctorat en philosophie et biologie)