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AU-DELÀ DU JOUR ET DE L’HEURE

12 novembre 2023 32e dimanche du temps ordinaire, année A – Mt 25, 1-13
Lectures de ce jour

L’heure de la venue de Dieu révélée en Jésus-Christ dans notre vie est inconnue. Toute l’Écriture sainte incite que cette heure va nous surprendre, et en même temps l’Écriture sainte nous rappelle qu’il faut s’y préparer. « Comment se préparer à l’avènement de quelque chose, de quelqu’un, dont le fait nous surprendra de toute manière ? » C’est cela la question que saint Matthieu essaye de nous faire méditer dans le chapitre 25 de son Évangile.

Tout d’abord, dans la parabole, nous sommes présentés sous l’image de dix jeunes filles : cinq prévoyantes, et cinq insouciantes pour ne pas dire « insensées », voir « folles ». Comme si l’évangéliste voulait nous dire que toute histoire humaine – personnelle, communautaire et sociale – est constituée du bon usage de nos sens, ce que littéralement veut dire le mot « sensé ». L’évangéliste veut dire que chacun et chacune d’entre nous, assez souvent, nous nous comportons d’une manière insensée, déraisonnable et presque « folle ». Toute la question consiste en un dilemme de discernement : « Qu’est-ce qui est sensé ou insensé ? Et comment on le distingue ? » C’est seulement en répondant à cette question que nous pourrons peut-être comprendre ce qu’est ce « veillez ! » auquel Jésus nous appelle.

Il me semble peu probable de penser que Jésus nous appelle à renoncer à tout repos ou à tout sommeil sous le prétexte de manquer quelque chose, surtout de manquer la venue de Dieu et de son Royaume. Il ne s’agit pas sous ce prétexte juste et judicieux de fonder « la société des insomniaques perpétuels ». C’est bien fatiguant de ne pas dormir tout le temps ! L’Évangile nous dit bien que même Jésus dormait, et il dormait même aux moments les plus inconvénients comme la tempête. En plus, l’Évangile nous précise à propos des jeunes filles : “elles s’assoupirent toutes et s’endormirent.” Si le fait de s’endormir ça va arriver de toute façon à tout le monde, demandons-nous alors : « C’est quoi au juste d’être insouciant et insensé, c’est quoi être sensé et prévoyant ? » Le Psaume 13 dans son premier verset nous donne une des possibles réponses à cette question : « Dans son cœur le fou déclare : ‟Pas de Dieu !”, tout est corrompu, abominable, pas un homme de bien ! ». Être fou, insensé, insouciant, c’est s’imaginer, comme le dit très bien Blaise Pascal, qu’on « peut anéantir l’éternité », s’imaginer qu’il n’y a pas de Dieu, s’imaginer qu’on est suffisant à soi-même, et par ce fait même renoncer à la recherche, à la rencontre avec Dieu.

Le psaume 13 continue sa méditation et nous dit : « Des cieux, le Seigneur se penche vers les fils d’Adam, pour voir s’il en est un de sensé, un qui cherche Dieu. » Le Psaume nous précise qu’être sensé, raisonnable, et prévoyant – c’est de chercher Dieu. Si je comprends l’enseignement de ce Psaume et le met en lien avec l’Évangile, l’huile dans et pour les lampes des jeunes filles dans la parabole ce sont précisément les fruits de cette recherche inlassable de Dieu qui se fait proche de nous et pourtant qui nous échappe infiniment. C’est peut-être pour cela qu’on ne peut ni la prêter, ni la vendre. On l’a cherchée ou on ne l’a pas fait ! On l’a, ou on ne l’a pas cette huile ! Cette recherche de Dieu est une démarche personnelle et nul ne peut prendre la place de l’autre. Pourquoi ? Probablement parce que c’est dans ce fait de la recherche de Dieu, d’un Dieu qui nous échappe et qui se laisse trouver, nous exceptons ? d’une manière quotidienne, mais en même temps exceptionnel et grandiose notre liberté.

En fait, l’évangile nous rappelle que le jour et l’heure en fait ne tiennent dans notre vie qu’une place seconde. La première place dans notre vie doit être accordée à l’art de la recherche, de la rencontre et à l’art de la présence. Nous sommes invités à développer ce qui est le plus important : être en relation d’amitié avec Jésus. Et l’huile : c’est l’amour, cette tension du désir tourné vers Dieu ! Comme disait Marie de l’Incarnation : « Je vous connaîtrai en vous aimant ».

Édouard Shatov, augustin de l’Assomption