26 mars 2023 5e dimanche de carême, année A – Jn 11, 1-45
Le cinquième dimanche de carême nous amène presqu’à la porte de pâques par ce récit du parcours de Lazare malade, mort et remis à la vie. Ce récit ressemble en partie à celui de la passion et la résurrection de Jésus notamment par la présence d’une pierre à l’entrée du tombeau et d’un suaire enveloppant le visage. Ce serait également une sorte de parabole racontant une situation difficile que traverse le peuple d’Israël et dont celui-ci pourrait se sortir grâce à Jésus. Pour notre part, qu’est-ce que le retour de Lazare à la vie dirait de celle-ci face à l’impression de la perdre à tout jamais ? Ce sont les sœurs et leur entourage qui auraient cette impression face à la mort de Lazare et à l’absence de Jésus qui interviendra tardivement.
Le désir de la préserver
Avant le retour même à la vie, c’est l’impression de la perdre qui peut cacher le désir très fort de la préserver. Ce désir correspondrait à la fois au refus de voir partir que je nommerais déni de la perte et à ce qu’on appelle « instinct de survie ». Ce désir s’exprime d’une certaine façon par l’interpellation que Marthe adresse à Jésus arrivé après la mort de Lazare : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. » Elle ne dit pas : « Mon frère serait guéri ». Est-ce qu’elle voulait que son frère reste dans son état et qu’est-ce qu’elle attend de Jésus quand elle lui confie : « Je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera » ? C’est difficile d’envisager la résurrection de son frère dans ses attentes, même si celles-ci couvrent la totalité. Elle sait en effet que son frère « ressuscitera à la résurrection, au dernier jour ». Pourtant Jésus le ramène à la vie au présent. Ce retour conforterait le désir de Marthe de voir la vie de son frère restaurée, revoir le même Lazare privé de parole et lié, au lieu de sa résurrection.
Ses transformations et sa résurrection
Le débat sur la différence entre la résurrection et le retour provisoire à la vie peut resurgir ici. D’une part, on présenterait divers personnages bibliques revenus à la vie et morts de nouveau par après : le fils de la veuve de Sarepta (1 R 17, 17s) ; la fille de Jaïre (Mc 5, 35s et Lc 8, 40-56) ; le fils de la veuve de Naïn (Lc 7, 11-17) et évidemment notre Lazare (Jn 11, 1-45). D’autre part, nous croyons que Jésus est ressuscité et n’est plus mort, à moins de le tuer encore aujourd’hui en écrasant les plus petits à qui il s’identifie.
Comme lui qui est la résurrection et la vie, plusieurs personnes connaissent des expériences de résurrection par diverses transformations positives de leur vie. C’est à mon avis le cas exemplaire de Lazare qui traverse une grande épreuve de mutisme et d’enfermement vers sa libération par Jésus. L’assomptionniste Alain Marchadour remarque, en effet, que Lazare est sans voix et sans visage ; « il n’apparaît jamais comme un actant responsable et autonome. Il n’a d’existence que comme l’objet d’une série de prises de paroles, d’actions ou d’interprétations et de transformations ». Ses sœurs et leur entourage semblent s’habituer à son mutisme, car ils ne l’ont jamais remis en cause ; mais ils seraient préoccupés par son enfermement qui le soustrait à eux. Quant à Jésus, il ne se contente pas de leur faire réapparaître Lazare comme il était auparavant. Il va jusqu’à leur donner une injonction : « Déliez-le, et laissez-le aller ».
C’est sûr que nous aimons beaucoup nos enfants, nos proches, nos amis. Nous voudrions les avoir près de nous comme ils sont et nous éprouvons de la peine quand ils ne sont pas là. Devons-nous nous contenter de les avoir avec nous, alors que nous leur enlevons les possibilités de parler et que nous nous alarmons quand ils craquent ? Peut-être faudrait-il leur favoriser une expérience de résurrection ou seraient-ils en état d’en vivre ; ça pourrait être chacune et chacun d’entre nous. Dans ce cas, Jésus qui appelle et fait sortir Lazare du tombeau nous adresse aujourd’hui une parole assez engageante : déliez-les et laissez-les aller.
Sadiki Kambale Kyavumba, assomptionniste