Traditionnellement, le mois de novembre est le mois du souvenir; surtout de nos parents et amis défunts. Nous avons souvent une mémoire sélective face à ceux qui nous ont précédés dans la mort : nous nous souvenons des bons moments passés avec eux ; les émotions, les coups de rire, le travail pénible, les moments de tendresse et d’intimité : tout cela remonte à la mémoire quand nous faisons la visite au cimetière. Même pour ceux qui croient en la résurrection, la vie après la mort demeure un grand mystère et nourrit à merveille notre imagination, nos phantasmes. Bien plus qu’une dévotion névrotique, honorer la mémoire des ancêtres est un devoir qui rassemble les membres de toute famille. Nous gardons les souvenirs bien vivants afin de comprendre le présent et d’être portés vers l’avenir pleins d’espérance.
Dans la Bible, se souvenir est une expression-clé. Elle renvoie les gens à leurs racines ; c’est un facteur d’unité nationale. L’histoire du Peuple de Dieu reprend vie lorsqu’elle est transmise de génération en génération : le vécu d’un peuple à travers les aléas de l’histoire qui l’ont fait ce qu’il est, le Peuple choisi! Bien plus, le schema Israel (souviens-toi, Israël!), c’est la prière que tout juif observant doit réciter matin et soir : « Souviens-toi, Israël, qu’il n’y a qu’un seul Dieu que tu dois aimer de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces parce qu’Il t’a fait ce que tu es. » Parfois, dans les Psaumes, c’est un ordre donné à Dieu lui-même : « Souviens-toi que c’est toi qui nous as fait sortir d’Égypte, qui as fait une alliance avec nous et qui nous as donné la Terre Promise : tu ne peux pas nous laisser tomber. Combats à nos côtés contre nos ennemis. Protège ton peuple, Seigneur, afin que les autres nations voient qu’il n’y a pas d’autre dieu que notre Dieu. »
Dans le Nouveau Testament, se souvenir des paroles et des actions de Jésus prend une autre dimension. Cela devient un mémorial ; les évènements passés deviennent « activés ». C’est la raison pour laquelle la tradition de l’Église a toujours proposé la lecture, l’étude et la méditation des Saintes Écritures, un élément fondamental de la vie spirituelle du croyant. Le mémorial par excellence, c’est l’eucharistie ; non seulement nous nous souvenons que Jésus a donné sa vie pour notre salut il y a 2000 ans mais que cette passion d’amour est renouvelée à chaque fois que nous célébrons son passage (sa Pâque) vers la gloire du Père : « Vous ferez cela en mémoire de moi. » Cette action devient présente dans le rituel de la messe et c’est ainsi que nous pouvons progresser sur le chemin vers la sainteté.
Ce mois-ci, lorsque nous prierons pour nos défunts, quels qu’ils soient, rappelons-nous qu’ils sont auprès de Dieu et que nous pouvons avoir avec eux une communion véritable. Pour ma part, j’aime me rappeler ces paroles d’un chant de Robert Lebel : « Ils ont leur nom sur tant de pierres et quelque fois dans nos prières mais ils sont dans le cœur de Dieu. Et quand l’un d’eux quitte la terre, pour gagner la maison du Père, une étoile nait dans les cieux. » Oui, ils sont éternellement heureux et en paix.
Père Gilles Blouin, assomptionniste