© stahlmandesign
Au Québec, c’est un sport national qui a une date : le 1er juillet de chaque année. Quel cirque! Vous connaissez sûrement dans votre entourage quelqu’un qui a aménagé dans un autre appartement (si rare de nos jours et à prix abordable) ou dans une nouvelle maison. D’autres ont quitté à regret leur demeure pour aller vivre dans une résidence pour personnes âgées. Ça c’est difficile !
Comme religieux, de nouveaux postes vous sont proposés de temps en temps et emballer ses effets et déménager constituent une chance dans notre vie religieuse. Cela devient l’occasion de vider ses tiroirs et armoires et de se poser la question : que dois-je conserver à tout prix ? C’est incroyable tout ce qu’on peut accumuler avec les années ; le plus longtemps est-on dans une communauté, le pire c’est. On est encombré de toutes sortes de babioles dont on pourrait facilement se passer. Voyagez tout légers, va le slogan ! Cela vaut aussi pour toute personne consacrée qui voudrait s’en tenir à l’essentiel. J’ai découvert en moi un esprit franciscain que j’ignorais…
Je me souviens qu’au lendemain de la fin de mes études en théologie, j’ai pris le temps de bien ranger mes notes dans des boîtes afin d’en rendre la consultation éventuelle facile. J’ai sans doute conservé seulement les cours que j’avais bien appréciés mais voilà, quatre années d’études, cela fait tout de même pas mal de notes. Lorsque je fus nommé dans une autre communauté, quelques années plus tard, j’ai regardé ces boîtes de notes que je n’avais jamais ouvertes et je me suis demandé : « Gilles, il te faut choisir maintenant ! Vas-tu un jour consulter ces notes ? Vas-tu traîner ces boîtes le reste de ta vie ? » La réponse est venue sans tarder (et sans regret) : Laisse aller ! J’ai appris depuis qu’il en va de même pour le linge, les photos, les documents sans importance et tout ce petit monde qui s’entasse négligemment au fond des tiroirs. J’ai décidé que les vacances de Noël seraient l’occasion annuelle de faire le tri dans mon linge : tout ce que je n’ai pas utilisé durant l’année trouverait preneur facilement et utilement.
Vider les tiroirs peut se transposer dans notre vie spirituelle aussi… Il y a à coup sûr une valeur dans le détachement des choses matérielles. Ne construisons-nous pas notre sécurité intérieure sur l’accumulation de choses inutiles ? Qu’est-ce qui compte vraiment pour nous ? Notre vie est-elle encombrée en pures distractions ? Laisser aller peut être une invitation à poursuivre la route allègrement, faire de nouvelles rencontres, d’être recréé en quelque sorte…
Déménager a une allure de parabole ; ce peut être l’occasion de faire de la place dans sa vie à du nouveau et le Seigneur ne manque pas de nous surprendre, de nous refaire à notre insu. Mais pour cela il faut apprendre à laisser aller… et ce n’est pas toujours facile.
Père Gilles Blouin, Assomptionniste