« Écoute, écoute, surtout ne fais pas de bruit » – cette parole d’un chant religieux résonne en moi d’une manière particulière en ce temps qui suit les célébrations de Pâques. Écouter la Parole de Dieu, écouter les paroles des uns et des autres, fait partie de notre croissance humaine. Cela fait aussi partie de notre croissance dans notre relation avec Dieu, ce qu’on appelle « la divinisation » de l’être humain.
Les paroles prennent une place particulière dans notre vie. Les paroles humaines et la Parole de Dieu se donnent à nous et nous façonnent.
Une parole qui m’interroge et me met au défi est celle de l’évangile de Jean. C’est la question des disciples : « Maître, où demeures-tu ? » et la réponse de Jésus : « Venez et voyez ! »
Cette question : « Où demeures-tu ? » s’entend tout au long de la Bible, depuis la première page jusqu’à la dernière. C’est une question intime qui tente de nous conduire vers la pleine consommation de la communion dans l’Amour : avec Dieu et les uns avec les autres.
Réalisons-nous que c’est la toute première parole du dialogue entre Dieu et l’être humain que nous entendons dans le Jardin de la Genèse ? Dieu ne demande pas à Adam : « Comment vas-tu ? », « As-tu bien mangé ? », et surtout pas : « As-tu croqué le fruit défendu ? ». Non ! Voici la première parole du dialogue établi entre Dieu et l’être humain, parole d’une sollicitude absolument touchante : « Où es-tu ? » – d’une certaine manière, c’est demander : « Où demeures-tu ? ».
Il n‘est pas particulièrement facile de préciser où nous nous trouvons ! Il ne s’agit pas, nous l’avons compris, d’une géolocalisation, mais bien de discerner où nous en sommes au niveau familial, spirituel et dans notre vie de solidarité avec les autres. La liste des « où » peut s’étirer longuement. Définir cela peut s’avérer pénible, surtout à certains tournants de notre vie. Cependant, il est impérieux de se pencher sur cette question capitale : « Où demeures-tu ? ». Quand Dieu interpelle l’être humain, voyons-y une invitation à sortir de soi-même, et à se mettre en marche sur le chemin de son accomplissement.
Dieu, révélé en Jésus-Christ, se laisse interroger par les êtres humains à travers la personne de ses disciples. Après tout, le dialogue s’exprime toujours dans les deux sens. Dieu n’est pas un système à penser – Dieu n’est pas une idée, une idée destinée à notre seule intelligence – mais un être qui nous invite à la conversation intérieure, à la communion. Oui, Dieu nous invite à partager avec lui une demeure commune.
Il me semble que nous laisser interroger sur la question « Où demeures-tu ? » nous permet de plonger dans les profondeurs de notre identité, de notre mission. Avec sainte Marie de l’Incarnation, nous sommes alors renvoyés à la réalité que la sainte appelle « le centre » de nous-mêmes, d’où tout vient et dans lequel tout trouve son origine.
Cette parole de l’Évangile de Jean me fournit la clé pour ouvrir la porte, la force de retrouver la source de ma vie et le chemin qui mène vers le « centre ». Cette interrogation des disciples n’est possible qu’en reconnaissant que Jésus est la Voie et qu’il m’adresse cette question : « Que cherchez-vous ? ».
Savoir répondre à cette question, c’est orienter mes pensées et mes actions vers le cœur de ma vie. En toute simplicité, j’aimerais vous confier que je trouve, au fond, cette question particulièrement exigeante et provocante. En effet, ce que nous cherchons en vérité est toujours guidé par le désir brûlant qui nous habite. Le désir de savoir, de pouvoir, d’avoir… en d’autres mots, le désir d’être, et d’être aimé.
Ce rapport entre le désir qui nous habite et sa réalisation dans nos recherches intérieures et nos actions dans le quotidien crée un lien organique avec le centre de notre vie et de notre identité. Et ce lien établit la cohérence entre notre vie extérieure et notre vie intérieure. Ce lien apporte la cohésion, l’accomplissement ; son absence, la fragmentation et la dispersion de notre âme sous tous les aspects.
Tout cela seulement à partir de deux questions ! Précisons que la parole de Dieu n’est jamais une pure question. Elle fournit toujours aussi des pistes de réponses. Sans prétendre fournir « LA » réponse, je pense que Jésus, dans ce court passage de l’Évangile de Jean, nous révèle un précieux secret : j’ai à m’interroger sur mes désirs, mes inclinations. Je dois aussi regarder attentivement où je me situe relativement à ma vie de prière, à mes lectures spirituelles et culturelles, à mes relations communautaires en Église et en société.
De même, je suis invité à observer mon lieu (ou mes lieux) de demeure dans ma vie. C’est précisément en ces moments de discernement et de partage que je reconnais Dieu qui, lui-même, me convie à partager ce cheminement avec Lui.
Où nous trouvons-nous en ces jours de temps pascal ? Je vous invite à cette méditation ! Écoutons la voix du Seigneur ! Écoutons-la sans faire de bruit !
Bonne semaine à toutes et à tous !
Édouard Shatov