27 mars 2022 4e dimanche de carême, année C – Luc 15, 1-3.11-32
Lectures de ce jour
Le quatrième dimanche de carême dit de la joie nous donne de célébrer déjà pâques avec un mais, c’est-à-dire sans l’exubérance comme celle du jour de la résurrection du Seigneur. Les lectures de ce jour portent cet air de pâques notamment par la mention de ce mot – « la Pâque » – et d’autres mots comme « mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ». L’Évangile mentionne la fête, mais qui comporte un certain nombre d’exigences pour que tous les convives soient dans la joie.
Provocation
La joie comme sentiment spontané de satisfaction l’est apparemment pour plusieurs convives, en particulier les danseurs ; mais dans l’ensemble elle est plutôt provoquée. À première vue, c’est le retour du fils peureux d’avoir dilapidé les biens qui provoque la joie, non pas la sienne mais paradoxalement celle du père. Il apparaît que ce n’est même pas d’abord le retour, mais le fils lui-même qui provoque ou fait la joie du père. On se souvient notamment de la voix qui se fit entendre lors du baptême de Jésus assez semblable à celle de la transfiguration il y a deux semaines : « Tu es mon fils bien aimé, en toi je trouve toute ma joie. » (Luc 3,22) Cette joie qui ne peut pas se cacher devrait rejaillir sur toute la maisonnée compte tenu de la position du père comme « tête ». Lui-même la provoque en invitant les convives à la fête. Ainsi, la joie du carême va de provocation à provocation ; mais elle se confronte à la résistance du fils ainé représentant les pharisiens et les scribes.
Transgression
C’est face à la résistance que la joie devient intéressante au temps de carême. Cette sorte de barrière peut être dite l’impensable qui est incompatible avec la joie, selon un certain sens commun. Pour les pharisiens et les scribes, il est impensable d’être en joie avec quelqu’un différent de nous et qui nous humilie. Cependant, la joie provoquée transgresse cette barrière faisant traîner un lourd passé sur le dos de certaines personnes et qui les divise. Après que la joie transgresse les barrières, on se retrouve en famille et on semble se réinscrire dans la logique des pharisiens et des scribes voulant que seuls ceux qui se ressemblent s’assemblent. La joie transgresse cette mêmeté par l’accueil de l’autre qui vient humblement vers nous comme un frère, une sœur. Comme dit le Père, il faut festoyer et se réjouir quand notre frère ou notre sœur passe de la mort à la vie, de l’état perdu à l’état retrouvé, du repli sur soi à la communion.
Nomination
Cette joie qu’on croirait impossible exige la conversion et la réconciliation qui se disent plus explicitement par l’acte de nomination. Le père, le fils cadet et d’autres convives apparaissent avoir fait cet effort en nommant dignement l’un et l’autre, en particulier le fils ou le frère qui aurait pu être comme un cheveu dans la soupe à son retour à la maison. Ils passent d’un lieu de repli sur soi à l’ouverture à l’autre. Le fils cadet notamment passe de l’extérieur réduit sur lui-même où il ne se sent pas joyeux, vers son intérieur où il nomme son père et va à l’extérieur large à la rencontre de ce père. Quant à l’ainé, il reste stationnaire et nomme avec mépris le fils de son père. Il croupit dans l’imaginaire d’une joie individualiste avec les personnes qu’il aurait choisies, ses amis. Il a un travail à faire sur lui-même pour accueillir son frère, différent de lui, que son père lui présente ou lui donne et qu’ainsi il soit joyeux.
La joie dans les carêmes de nos vies nous fait déjà goûter à Pâques. Elle exige de nous certains efforts de conversion pour que nous transgressions les barrières hostiles. Nous serons alors amenés à la provoquer pour les autres que nous accueillerons à la manière du Père miséricordieux et ainsi nous pourrons nous réjouir et festoyer ensemble.
Sadiki Kambale Kyavumba, assomptionniste
« Rien n’est impossible à Dieu.»