Comment peut-on produire un éditorial quand le monde entier traverse une crise majeure ? Que dire ? Les paroles de sainte Thérèse d’Avila me viennent à l’esprit : « La vie n’est qu’une nuit à passer dans une mauvaise auberge ».
Ces paroles me surprennent. Je crois, toutefois, que la réflexion sur cette déclaration peut nous aider à mieux accueillir le sens de la vie.
D’abord, admettons que notre vie navigue dans la nuit. C’est-à-dire que très souvent la lumière nous fait défaut. Non que la lumière et la clarté de la vision soient absentes, mais que les difficultés nous apportent des défis. Cette réalité rend le discernement plus exigeant et appelle des ressources d’ordre spirituel, intellectuel et rationnel. En fait, la trajectoire de notre discernement est toujours le passage vers la lumière ; de la confusion vers la claire vision des choses et des êtres.
La nuit, c’est aussi un moment de profond silence et de recueillement. Tout semble endormi, en même temps, les forces invisibles de la vie animent les profondeurs de notre existence, en particulier les « régions » de notre être les plus inconnues. On sait que nombre de femmes et d’hommes de prière préfèrent prier au milieu de la nuit, au seuil du silence et du surgissement de la parole.
Cette « nuit », il nous faut la traverser, comme le dit sainte Thérèse d’Avila. Il ne s’agit pas de considérer notre vie comme « un mauvais moment à passer », comme une antichambre de la véritable vie. Nous sommes invités à considérer cette nuit comme un temps de « passage » dans notre vie embrouillée d’aujourd’hui. Puissions-nous nous reconnaître appelés à la lumière de l’éternité. Le discernement de la bonté, de la bienveillance, de la justice, mais aussi de la possibilité du mal infligé à « l’autre », est d’une importance majeure pour faire de nos vies un lieu de paix, de vérité et d’amour.
J’espère que vous m’avez compris et avez saisi que ma lecture de l’expression de sainte Thérèse d’Avila n’a rien de négatif. Elle nous convie à opérer un discernement entre un « séjour » et une « demeure ». Un séjour se présente comme une situation temporaire, une « demeure » décrit, par opposition, une situation qui dure. Sainte Thérèse nous rappelle précisément que notre vie « passe »; justement en raison de ce « passage », de ce « séjour », nous devons prêter attention à chaque instant de cette vie, à chaque être que nous rencontrons.
Évoquons maintenant la notion de l’auberge. Pour le cœur et l’esprit chrétiens, on pense ici à l’auberge du Bon Samaritain dans l’Évangile de Luc. C’est un lieu où on prend soin de l’autre indépendamment de son origine, de son état de santé et de la gravité de ses blessures. Un lieu où on prend soin de la vie. Préoccupons-nous de la vie de l’autre ; éloignons-nous de nos propres blessures et de nos frustrations. Le Pape François espère voir les chrétiens aller à la rencontre de la différence. Je pense aussi à la définition de l’Église par le Pape François. Il parle d’un hôpital de campagne qui est, de fait, l’auberge du Bon Samaritain.
De même, nous reconnaissons que, dans le quotidien de nos vies, dans l’Église et à l’extérieur, notre auberge manque de soin. Si nous sommes honnêtes, nous devons nous « retrousser les manches » et nous appliquer avec plus de passion et d’engagement dans le soin de l’autre. « La mauvaise auberge », dont nous parle sainte Thérèse, n’est pas une fatalité, c’est une réalité qui doit être améliorée.
Pour terminer dans le même esprit, j’aimerais vous inviter à prier pour et avec le peuple d’Ukraine. Bien sûr, prions pour la paix ; prions aussi pour que notre prière aide ceux et celles qui se trouvent dans des situations où prier devient difficile. Que notre prière leur donne la force du discernement et les lumières requises pour des actions justes et constructives animées par l’Amour. Prions pour le peuple russe afin qu’il retrouve les chemins de justice et de paix. Devenons des passeurs de lumière, d’amour et de miséricorde!
Bonne semaine à toutes et à tous !
Édouard Shatov
Fécondité du désert